Comme c’est le cas pour de nombreux biens culturels, les nombreux experts et critiques en vins sont souvent en désaccord. Pour le consommateur, choisir le « bon » expert sur le marché des opinions, celui qui lui permettra de déguster le vin correspondant à ses attentes, n’a rien d’évident. En l’absence de consensus entre experts, l’objet de l’étude présentée est de vérifier si ceux-ci commettent des erreurs d’appréciation systématiques et si leurs notes expriment des préférences idiosyncratiques, c’est-à-dire qui leurs sont propres.
Le principe de la recherche consiste à expliquer statistiquement les notes attribuées par cinq experts internationaux à 62 grands vins de Bordeaux, sur la période 2003-2011. L’appellation d’origine est considérée comme une mesure du goût typique des vins. Sont également pris en compte des facteurs objectifs tels que les conditions climatiques et le classement de chaque vin.
Les résultats indiquent que la notation fluctue en fonction des experts et que certains d’entre eux favorisent significativement certaines appellations, révélant ainsi leurs goûts personnels. L’évaluation effectuée par les experts serait donc affaire de goûts, un profil « continental » de préférences semblant d’ailleurs émerger, d’où l’absence de consensus sur le marché des opinions.
Cependant, cette hétérogénéité des opinions d’experts ne doit pas nécessairement être vue comme une défaillance du marché. En effet, si les consommateurs identifient le « bon » expert en fonction de leurs propres goûts, cela peut améliorer leur satisfaction en facilitant le choix du vin correspondant le mieux à leurs attentes et préférences. Ainsi, cet article contribue-t-il à renouveler le débat sur la précision des notes d’experts, considérant le vin comme un bien culturel et introduisant dans l’analyse les notions de préférences et de goûts en matière d’expertise. Une idée nouvelle est défendue selon laquelle les différences de goût des experts pourraient même faciliter le choix du consommateur.