Green, blue, social, sustainability-linked bonds, prêts à impact positif, labels verdissants, épargne verte… la liste des instruments et outils financiers censés contribuer à la décarbonation de nos économies ne cesse de croitre. La communication (légitime ou pas) sur leurs bienfaits non plus. Un nombre important d’initiatives, de règlementations (notamment dans l’Union européenne, mais pas que !) et d’engagements ont déjà été entamés et ne cessent d’évoluer. A titre d’exemple, les bons thématiques sont des instruments traditionnels qui permettent de financer des thèmes d’investissement spécifiques en ciblant des objectifs de développement durable. D’autres instruments de dette sont aussi en train d’apparaitre, notamment les prêts à impact positif. Luis Reyes, directeur du Master of Science en Sustainable Finance de KEDGE Business School propose une explication simplifiée du rôle de la finance dans la transition bas carbone.
Lorsqu’il s’agit de financer l’investissement, de quels instruments financiers traditionnels peuvent disposer les entreprises?
Les sociétés non-financières privées, qui fournissent la moitié de la valeur ajoutée annuelle en France, peuvent se financer par des moyens provenant du secteur privé ou bien du secteur public. Les premiers incluent les avoirs sous forme de dépôt, d’émission d’actions ou bien à travers des instruments de dette. Quant aux deuxièmes on distingue deux grands groupes : les titres de créance (qui incluent les obligations) et le crédit. Les entreprises peuvent aussi recevoir des subventions ou des avantages fiscaux qui proviennent du (ou bien sont actés par le) secteur public.
Quels instruments/outils financiers peuvent contribuer à la décarbonation de l’investissement ?
Parmi les moyens provenant du secteur privé, l’émission d’actions (et leur prix) peut être favorisée par la perception des acheteurs, influencés positivement par des campagnes de prestige pour les projets vertueux par exemple ou potentiellement le contraire lorsqu’elles sont calomnieuses pour certains projets moins respectueux des critères Environnementaux, Sociaux, de Gouvernance (ESG). Ces derniers, lorsqu’ils sont issus des agences de notation, peuvent également influencer le coût de la dette, les conditions d’octroi de celle-ci, leur maturité et/ou le montant des intérêts à verser.
Avec comme objectif d’avoir une bonne image et de bonnes conditions pour obtenir un crédit, les entreprises font souvent appel à des cabinets d’audit ou de conseil, afin de valoriser les bonnes pratiques existantes et/ou de formuler une stratégie (entre autres de communication) pour mieux se positionner dans leur marché respectif. Une autre possibilité est l’émission d’obligations thématiques, dont les plus célèbres sont les green bonds ou les «prêts à impact positif» qui facilitent le financement des projets dits verts en ciblant soit l’utilisation des fonds, soit en engageant le débiteur à créer un impact grâce au montant emprunté. Mais attention, cela ne concerne pas tous ce qui est appelé «vert». La réglementation, qui repose souvent sur un code éthique et/ou une liste de bonnes/mauvaises pratiques (comme la taxonomie verte, espèce de boussole de la finance durable) est un outil complémentaire qui peut contribuer à aligner les objectifs, les moyens à disposition (ou façons de faire) et les résultats.
Quel est le rôle des autorités économiques dans la décarbonation de l’investissement ?
Les autorités économiques d’un pays sont, de façon simplifiée, la banque centrale et l’administration publique. La première contrôle la circulation d’argent, qui se traduit par des changements dans le taux d’intérêt et la valeur relative de la monnaie nationale vis-à-vis d’autres monnaies, des prix des biens et services, des prix des actifs financiers, et elle joue aussi un rôle majeur dans la réglementation du secteur financier. La seconde joue un rôle clé également, notamment du point de vue budgétaire, fiscal, d’allocation de ressources et aussi règlementaire (surtout) sur le secteur réel.
Les finances publiques, menées par ces deux instances, sont certainement un outil puissant pour faire face au défi de la transition climatique. Quelques questions à se poser à propos de cette dernière ; comment les administrations doivent-elles faire l’allocation de dépenses ? [Bien entendu, les grosses entreprises privées sont concernées puisqu’elles produisent souvent les biens et/ou services demandés par le secteur public]. Qui doit payer la facture: les ménages les plus aisés, les multinationales fortement financiarisées ? Faudra-t-il laisser la porte ouverte à un endettement public plus important ? Si oui, quels sont les montants à mobiliser, comment peuvent-ils être financés et sur combien de temps ? Enfin, quels instruments financiers doivent être favorisés ?
Puisqu’un émetteur important d’obligations vertes est l’Etat, ce dernier joue aussi un rôle direct (et non pas seulement de par ses activités régaliennes) en tant qu’acteur de la transition bas carbone en dirigeant les flux de capitaux, en tant qu’arbitre des initiatives de décarbonation en cours et en donnant des signaux forts sur comment la transition bas carbone doit (ou devrait) être menée.