Pouvoir faire son shopping seul, avec de l’espace autour de soi, et sans avoir à exprimer ses mensurations à haute voix… Ne serait-ce pas un rêve pour toute personne introvertie ? Et si le métavers permettait de s’en approcher ?
Notre recherche récente s’est intéressée à ce profil particulier de consommateurs, les identifiant grâce à un test psychologique. Lorsque l’on a demandé par exemple à Marine, étudiante en marketing, ce à quoi ressemblerait une expérience d’achat idéale dans le métavers, elle nous répond :
« Si je devais décrire une expérience d’achat idéale, ce serait de pouvoir me balader facilement et sans monde dans un centre commercial, essayer des vêtements comme si l’avatar me représentait. Je n’aurais pas besoin de donner mes mesures, peut-être que je scannerais à la place des références de vêtements que j’ai pour avoir directement la bonne taille… »
Plus généralement, il apparaît que les envies de se tourner vers le métavers reposent sur l’anonymat, la personnalisation, l’exclusivité et l’expérience apportée à l’utilisateur.
Actes d’achat, d’un monde à l’autre
En 2011, deux chercheurs regroupaient les motivations pour l’achat de biens virtuels en deux grandes catégories : celles liées au monde réel et celles liées à l’univers virtuel. Trois sous-catégories de motivations liées au monde virtuel étaient identifiées. Le shopping dans un univers numérique, ce serait tout d’abord un moyen d’exprimer une liberté entravée dans le monde réel par des limites sociales et culturelles. C’est aussi une source de satisfaction qui renvoie au plaisir que les consommateurs retirent en comblant leurs désirs. Il y a aussi un phénomène de compensation : pouvoir réaliser des aspirations inaccessibles dans la réalité grâce à des objets virtuels. Émile, analyste dans un cabinet de conseil, en témoigne :
« Dans le métavers je me tournerais vers des activités que je ne fais pas forcément, des loisirs extrêmes, par exemple, comme du vol en wingsuit ou en parapente. Mais aussi des choses un peu plus banales comme faire un squash ou un tennis. Si je vois différentes tenues ou autre item exclusif qui sont jolis et qui iraient bien à mon avatar, je pourrais effectuer un achat. »
Il y aurait là une opportunité pour les entreprises. Les individus ne se comportent en effet souvent pas de la même manière avec leur avatar dans le monde virtuel que dans le monde réel. Par ailleurs, l’apparence et les actions d’un double numérique peuvent affecter la manière dont un utilisateur se perçoit et, par conséquent, influer sur son comportement. C’est ce que l’on appelle l’effet Proteus. Un premier pas d’achat dans le monde virtuel pourrait influencer le comportement d’achat physique. Non seulement la personne acquerra des produits virtuels pour son avatar mais aussi des produits physiques similaires pour soi-même, qu’elle n’aurait pas ciblés avec le seul monde réel.
Un besoin d’anonymat
Les points de vue divergent parfois. Selina, chef de produit, nous explique ne pas avoir besoin d’avatar ou de se cacher pour nouer des relations sociales ou parler avec des gens : bien au contraire, elle estime que ces relations ne seraient que superflues et faussées par la dynamique du méta. Heidi, agent immobilier, soutient que grâce à cette facilité d’approche via l’avatar, les barrières sociales qui existent dans notre société s’estompent. Elles laissent alors place à des discussions impromptues qui peuvent donner naissance à des amitiés.
Selina nous décrit pourtant vouloir un espace commercial ressemblant au monde réel mais sans les contraintes que l’on peut y associer, notamment le temps de trajet, le monde, la queue. Elle souhaite avoir une recommandation dès son entrée en boutique pour y passer le moins de temps possible. Au contraire, Daniel, responsable direction de la relation client dans un grand groupe téléphonique, nous décrit avoir besoin de détail important et de personnalisation testable. Il a tout de même besoin d’aller dans le magasin malgré lui pour juger de la qualité en touchant le produit par exemple. Même si c’est parfois « l’enfer » lorsque l’on est introverti.
En règle générale néanmoins, il ressort de notre échantillon que les personnes introverties auront le sentiment d’avoir moins de contrainte sociale et plus de liberté d’expression et de sécurité du fait de n’être vu que par leur avatar et non leur réelle identité. Émile nuance un peu les choses :
« Ça dépend du contexte, je pense. Si c’est à titre professionnel, je prendrais avec sérieux la création de mon avatar pour en faire quelque chose qui me ressemble. Mais si c’est pour un côté perso, je serais partant pour quelque chose de complètement différent de ce que je suis, pour rigoler avec mes potes, ne pas me prendre au sérieux et avoir une autre expérience. Je veux justement faire des choses que je ne peux pas forcément faire dans la vie de tous les jours, en fonction de mes envies. »
Même dans le métavers les personnes introverties ont besoin de l’anonymat, d’une couverture, elles se cachent derrière un avatar totalement différent d’elles. Ce n’est pas le cas des extravertis, comme Patricia, vendeuse dans une concession automobile, qui affirme « se contreficher » de l’avis d’inconnus…
« Le fait d’être anonyme peut très facilement pousser certaines personnes qui auraient honte ou simplement pas envie d’être vues en train d’acheter certains produits. Je sais que pour moi ce n’est pas le cas : je me contrefiche de l’avis d’inconnus. »
Amyne Mouhoubi, étudiant à Kedge BS en marketing digital a également contribué à la rédaction de cet article.