Si oui, quels sont les principaux fondements de cette marque historique en difficulté aujourd’hui ? Quels sont les principaux chantiers auxquels sera confrontée la nouvelle direction pour la relancer ? L’exemple du redressement spectaculaire du Paris Saint-Germain peut-il servir d’inspiration ?
Les piliers de la marque Olympique de Marseille
Fondé en 1899, l’Olympique de Marseille est le club de football professionnel qui possède le palmarès le plus prestigieux en France (1 Ligue des Champions, 9 titres de Champion de France, 10 Coupes de France, 3 Coupes de la Ligue).
Ce palmarès traduit une histoire particulièrement riche bâtie par des joueurs (Anderson, Skoblar, Papin, Deschamps, Drogba), des entraîneurs (Zatelli, Goethals, Deschamps, Bielsa) et des présidents (Leclerc, Tapie, Louis-Dreyfus) emblématiques.
Autre pilier de la marque, son stade inauguré en 1937, le Stade Vélodrome devenu en 2016 l’Orange Vélodrome. Propriété de la municipalité, cette enceinte a connu plusieurs rénovations, souvent à l’occasion de grands événements internationaux (Euro ou Coupe du Monde), et possède une capacité de 67 000 places. Le Vélodrome a connu 30 fois la meilleure affluence moyenne du Championnat de France depuis 1947, ce qui constitue également un record tout comme les 44 115 abonnés en 2003-2004.
Ce stade résonne aux chants de supporters particulièrement fidèles et actifs. Une dizaine de groupe de supporters officiels ont géré entre 1987 et 2016 les abonnements dans les virages du stade et contribué à créer une atmosphère unique.
Citons enfin la ville de Marseille qui fait partie intégrante de l’identité du club et inversement. Le club intègre dans son construit identitaire plusieurs éléments de la ville comme le nom ou les couleurs de la ville. Plusieurs maires dont l’actuel, Jean-Claude Gaudin, ont reconnu l’impact de la vie de l’OM sur les habitants de la cité. La mairie suit ainsi de très près les décisions stratégiques prises au sein du club.
Une situation difficile mais un fort potentiel de marque
La situation sportive observée depuis un an et demi et le départ de Marcelo Bielsa est celle d’un club devenu quasi-banal, y compris auprès de ses supporters comme en témoignent une dernière campagne d’abonnement désastreuse et l’actuel taux de remplissage du stade. Par ailleurs, le Championnat de France est jugé par de nombreux observateurs, peu attractif au regard des principaux rivaux européens (Espagne, Angleterre, Italie, Allemagne).
Plusieurs facteurs conduisent à ce constat : culture footballistique des Français peu importante, fiscalité peu avantageuse expliquant en grande partie que les meilleurs joueurs français jouent à l’étranger, compétition archi-dominée par le Paris Saint-Germain, petits bassins de consommation autour de villes de taille moyenne ou petite.
Cet état des lieux assez inquiétant ne remet pas pour autant en question le potentiel de la marque décrit précédemment. Attendu depuis de longs mois comme le messie par l’ensemble des acteurs de l’« écosystème OM », le repreneur acquiert donc l’actif immatériel représenté par une marque forte, un actif principal, le centre d’entraînement et de formation. Il achète aussi autres ressources immatérielles comme le savoir-faire de ses salariés, la popularité et la réputation du club et, bien entendu, des joueurs sous contrat. Par ailleurs, l’OM est resté une marque attractive pour des sponsors internationaux (Turkish Airlines, Intersport, Adidas) ou nationaux (Orange) ainsi qu’auprès des nombreux médias généralistes ou spécialisés.
La relance du club et le déploiement de la marque OM
L’arrivée de la nouvelle équipe de direction suscite énormément d’attentes auprès des fans et de commentaires de la part des observateurs et analystes du monde du football.
Deux principaux enjeux se présentent à Frank McCourt et au nouveau président Jacques-Henri Eyraud, ex-PDG de Paris Turf passé par Disney et le Club Med ; un enjeu sportif et un enjeu de business le premier conditionnant une grande partie de la réussite du deuxième.
En ce qui concerne l’aspect sportif, il s’agit de restructurer un véritable projet ambitieux passant essentiellement par le recrutement d’un directeur sportif emblématique, d’un investissement conséquent sur le marché des transferts pour attirer de meilleurs joueurs (Mc Court a annoncé vouloir investir 200 millions d’euros sur 4 ans) ainsi qu’un travail de fond sur le centre de formation (classé 22e centre de France) pour sortir davantage de jeunes joueurs issus du cru.
L’ambition affichée à travers le « Champions project » est de reconquérir le titre de champion de France et de repositionner durablement l’équipe au niveau européen.
Un signe fort a été envoyé dès la première semaine d’exercice de la nouvelle présidence, avec l’embauche d’un nouvel entraîneur, Rudy Garcia qui s’est notamment fait remarquer lors de ses passages à Lille (Champion de France 2011) et à l’AS Rome.
Les chantiers concernant la partie marketing sont également nombreux et viseront essentiellement à redéployer une marque unique dans le paysage footballistique français (palmarès, histoire, identité, culture du supportérisme). Comme pour le projet sportif, la clé consistera à savoir s’entourer des bonnes personnes, rompues aux outils marketing variés (billetterie, sponsoring, digital, fan experience) et capables surtout de comprendre l’écosystème marseillais où il faudra composer avec la mairie, la société d’exploitation du Stade Vélodrome et les associations de supporters.
Si McCourt a promis d’améliorer « l’expérience » du supporter, un véritable travail sur le consommateur/fan de l’OM devra être effectué car il ne sera pas évident d’appliquer des recettes marketing qui ont fait leurs preuves aux USA, en GB ou même à Paris (hausse des tarifs, CRM agressif, multiplication des services autour du stade).
La comparaison avec le Paris Saint-Germain
L’exemple assez récent du renouveau sportif et marketing du Paris Saint-Germain incite-t-il à l’optimisme ? Quand une stratégie, des moyens et des compétences sont réunis, des résultats sportifs et d’exploitation peuvent survenir.
En très grande difficulté, surtout en termes d’image, au moment de son rachat, le PSG a su structurer assez rapidement un projet sportif ambitieux. Les compétences mobilisées aussi bien au niveau sportif (Leonardo, Laurent Blanc, staff technique) qu’administratif (Jean-Claude Blanc et des équipes rodées au business) ont permis au club de changer de dimension en devenant attractif pour l’ensemble de ses cibles marketing (médias, sponsors, public, international).
Si le contexte et l’approche stratégique sont assez comparables entre les deux institutions, des différences notables doivent également être soulignées. Tout d’abord, les moyens financiers du club de la capitale semblent sans commune mesure (budget de 500 millions d’euros, transferts de joueurs onéreux), les chiffres annoncés pour l’OM étant nettement inférieurs (50 millions d’euros annuels dédiés aux transferts de joueur, un futur budget estimé autour de 250 millions d’euros).
Côté tribunes, des choix radicaux avaient conduit la direction du PSG à dissoudre les puissantes et actives associations de supporters afin d’attirer un public plus familial (et donc plus docile et au pouvoir d’achat supérieur) au Parc des Princes. Il est peu probable que les nouveaux dirigeants marseillais procèdent de la sorte, même si la politique tarifaire devrait à terme être revue à la hausse.
Il y a fort à parier que le volcan marseillais en sommeil ne demande qu’à être réveillé (comme l’a prouvé la folie Bielsa il y a deux ans) et qu’un projet sportif cohérent, bien communiqué et rapidement transcrit en résultats sportifs restaurera l’attractivité du club auprès de l’ensemble de ses parties prenantes (supporters, sympathisants, observateurs, médias, sponsors).