Il n’en est rien. Les CubeSats révolutionnent cette industrie via des méthodes innovantes capitalisant sur la simplicité et la miniaturisation pour cibler des marchés délaissés par les acteurs traditionnels et ce, à une fraction du coût des satellites géostationnaires.
Faible coût de production
Le CubeSat est un format de nanosatellite utilisant un standard de taille appelé 1Unité ou 1U pesant entre 1kg et 10kg. Cette unité de base mesure 10cm x 10cm x 10cm. Cette taille peut être étendue jusqu’à 12U. Les premier CubeSats ont été mis au point au sein d’universités californiennes à la fin des années 1990 pour servir de projet d’étude des étudiants ingénieurs. Le processus d’innovation devait respecter une double contrainte : ces projets devaient pouvoir être réalisés relativement rapidement pour respecter le calendrier des études universitaires avec un budget limité. La miniaturisation et la simplicité se sont donc imposées.
Les CubeSats sont basés sur des orbites basses et sont défilants (ils ne sont pas géostationnaires). Ils sont donc parfaitement positionnés pour envoyer des informations simples, légères en données et en énergie comme celles utilisés par l’Internet des Objets (IoT). Leur faible coût de production permet aussi d’industrialiser leur fabrication afin de lancer des constellations de nanosatellites et de répondre ainsi à différents besoins. Plus de 3 000 CubeSats devraient être lancés dans les 6 prochaines années alors que 2 400 ont été lancés depuis 1998.
Leurs usages sont multiples : de l’application de veille météorologique à l’optimisation de méthodes agricoles ou encore à la transmission d’information pour les transports connectés et les smart cities, les applications sont déjà nombreuses. Pour l’industrie spatiale, les CubeSats servent aussi de terrain d’expérimentation à bas coût avant de déployer la solution sur des satellites plus gros en cas de succès.
Un nombre de start-up qui s’envole
De nombreuses start-up se lancent sur ce marché. En utilisant Skopai, une plate-forme de recherche intelligente collectant les informations sur les start-up partout dans le monde aussi bien in the lab – c’est-à-dire encore dans un état de projet de laboratoire – jusqu’à des sociétés plus matures et établies, 156 start-up ont déjà été recensées dans le cadre d’une recherche exploratoire. Ces jeunes entreprises sont en majorité créées en Europe et aux États-Unis avec une tendance en nette augmentation à partir des années 2014-2015. L’utilisation de cette base de données a permis de mieux catégoriser les tendances qui sous-tendent le développement de cette industrie, sans être dans une démarche exhaustive, l’idée étant de trouver des signaux de ruptures nouveaux.
Il ressort de ces données que la collaboration entre les différents acteurs est au cœur de l’industrie des CubeSats. L’une des illustrations de cette collaboration est le mode de création des start-up dans ce secteur : de nombreux acteurs sont en effet issus de l’essaimage de centres de recherches universitaires et s’attellent à transformer les résultats de la recherche universitaire en solutions industrielles.
Par exemple, l’un des problèmes majeurs des minisatellites est leur mode de propulsion. Jusqu’à très récemment, la petite taille des CubeSats couplée aux contraintes de sécurité des lanceurs les obligeait soit à se passer de propulsion soit à voir plus de la moitié de leur charge occupée par un moteur.
Thrustme, une start-up issue du laboratoire de physique des plasmas (CNRS/École polytechnique) a développé un nouveau procédé de propulsion fonctionnant avec de l’iode solide. Le mois dernier, le premier nanosatellite utilisant cette technologie a été lancé et mis en orbite avec succès.
Cette innovation pourrait potentiellement résoudre plusieurs problèmes. En premier lieu, celui de la propulsion des nanosatellites mais aussi en améliorant leur manœuvrabilité, elle limite le risque de collision avec d’autres objets et permet de réorienter les satellites et ainsi de prolonger leur durée de vie et donc de renforcer leur utilité.
Ce problème de propulsion des CubeSats, ainsi que le souhait de garder l’espace le plus propre possible, sont au cœur de la start-up Astrocast, issue de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Son objectif est de déployer une constellation de plus de 80 CubeSats d’ici 2022 afin de permettre de connecter via l’Internet des Objets les zones peu couvertes par les réseaux de télécommunication cellulaire actuels, ce qui correspond à quasiment 90 % de la surface de notre planète. Via la constellation de satellites en orbite basse, il sera donc possible de relier des millions d’objets connectés, et d’automatiser à distance la surveillance d’infrastructures ou le suivi d’équipement en temps quasiment réel dans des zones reculées pour un coût abordable.
Une autre caractéristique de l’industrie des CubeSats est aussi sa proximité et sa proche collaboration avec les acteurs traditionnels de l’industrie spatiale (ESA, NASA, SpaceX, ISRO, etc). C’est à la fois un besoin, pour le lancement des satellites, mais aussi une complémentarité de l’offre, les CubeSats ouvrant des marchés trop petits et/ou pas assez rentables pour les gros acteurs du secteur.
Compétences et savoir-faire complémentaires
L’industrie du CubeSat est donc un bel exemple de travail collaboratif entre différents acteurs, comme les étudiants et les chercheurs provenant de laboratoires de R&D et de centres de recherche universitaires, mais aussi des start-up et des grands groupes privés et publics. Chacun mobilise des compétences et des savoir-faire complémentaires pour faire réussir le projet et contribuer ainsi au développement de la conquête spatiale.
Le développement de solutions innovantes est souvent perçue – à tort – comme plus facile lorsque les contraintes sont limitées. L’exemple des CubeSats démontre encore une fois que les contraintes matérielles, financières, législatives et temporelles ne sont aucunement un frein à l’innovation mais permettent au contraire d’élargir le champ des possibles à l’intérieur de cadres définis par des contraintes le plus souvent externes. En un mot, d’aller plus loin, plus rapidement avec des coûts limités. Jusque dans l’espace.