La crise révèle un diagnostic désormais bien connu : multiples cloisonnements professionnels et institutionnels, mise sous tension économique permanente sous couvert de New Public Management, pénurie en personnel renforcée par une faible attractivité de beaucoup de métiers....
Pourtant les professionnels « bricolent ». En considérant tous les efforts faits quotidiennement par les professionnels de santé, que pouvons-nous dire du bricolage en temps de crise ? Ces professionnels poursuivent une première finalité, à court terme : sauver des vies ! Mais sur le plus long terme, que nous disent ces bricolages pour penser l’après-crise ? Que peuvent-ils nous inspirer pour repenser le système de santé à bout de souffle ? Et à quelles conditions ?
Des bricolages imaginatifs pour faire face à la crise
Selon les professionnels en formation sur l’Executive MSAIS, Management des Structures & Activités Innovantes en Santé de KEDGE, les bricolages recensés ont trait à :
- l’outillage numérique pour maintenir le soin relationnel ;
- des évolutions de tâches ou d’activités ;
- de nouveaux modes d’organisation du travail, vers plus d’auto-organisation ;
- un maillage émergent de coopération sur les territoires ; une attention accrue à la forme physique et mentale des équipes.
Est-ce que ces « bricolages » représentent de nouveaux modèles ?
Le champ de la santé est en profonde mutation depuis plusieurs années, porté par une ouverture des établissements sur leur territoire. Ce « hors les murs » a pour vocation l’inclusion sociale, le maintien à domicile, le décloisonnement entre professionnels et secteurs d’intervention, et davantage de coopération autour du parcours du patient.
L’enjeu est de passer du raisonnement d’Etablissement au raisonnement de Dispositif (autour du patient ou usager). Cette évolution est permise par la mise en place de plates-formes territorialisées de ressources. Elles sont apportées par plusieurs structures appartenant à des domaines d’intervention différents et amènent nombre de professionnels à ne plus opérer uniquement dans un établissement, mais en « milieu ordinaire » (domicile, école, entreprise par ex.).
A quelles conditions les bricolages en temps de crise peuvent-ils inspirer une transformation du système de santé ?
Pour éviter un trop brusque retour aux précédentes habitudes de travail et pour donner une valeur aux solutions inventées il faut capitaliser et créer une mémoire de ces bricolages. Cette capitalisation présuppose un travail d’évaluation sur la pertinence des bricolages.
Il est aussi essentiel de donner un sens à ces bricolages pour qu’ils perdurent dans l’après après-crise et de faire circuler ces « bonnes pratiques » au sein des groupes gérant plusieurs établissements ou services.
La crise a révélé ce qu’on peut appeler un « slack » de solidarité. Le « slack » désigne le surplus en temps ou en ressources qui peut être utilisé à bon escient. Il s’agit d'individus, entreprises ou commerçants qui proposent spontanément leur aide et leur service. Grâce à ces slacks, la crise se surmonte au mieux et l’organisation peut innover. Il ne faut plus calculer « au plus juste ».
Enfin, il est primordial de revaloriser nombre de métiers en santé. Cette revalorisation doit être salariale mais aussi de contenu. Il faut réfléchir sur des élargissements de tâches et donner un sens au métier (compétence éthique, compétence relationnelle).
C’est à cette condition également que le champ de la santé, ce bien commun, sera attractif pour tous ceux désireux d’exercer un « métier pour l’autre ».