Cet article a été co-écrit avec Amine Loutia, professeure à ESC Clermont Business School
Nous avons assisté récemment à une percée historique des extrêmes droites en Europe et à la surprise de la dissolution de l’Assemblée nationale en France. Ces événements ont provoqué des réactions significatives sur les marchés financiers européens et français, soulevant des questions sur l’avenir politique et économique du continent.
Nous avons vécu, il y a dix jours, la percée historique des extrêmes droites en Europe et la surprise d’une dissolution de l’Assemblée nationale en France comme conséquence. L’extrême droite occupe désormais une place significative sur l’échiquier politique européen avec plus de 20 % des sièges du Parlement européen. Dans le même laps de temps, une chute significative à la fois de l’Euronext 100 (l’indice financier de référence en Europe) de près de 0.6% et du CAC 40 de 1.35% ont été observée. Le plus étonnant, est que les marchés ont commencé à subir une baisse deux jours avant les élections européennes.
Dès lors, nous pouvons nous poser plusieurs questions : Comment expliquer ces faits ? Et peut-on craindre une réaction adverse des marchés financiers européens et français à l’aune des élections législatives à venir en France ? Quelles perspectives pour l’Europe et la France ?
Quelques éléments de contexte
Sur le plan français, le niveau de dettes publiques est très élevé et atteint les 3000 milliards d’euros soit 112.3% du PIB. De plus, la croissance française est plus faible que prévue : d’abord estimée à 1.4% puis revue à la baisse une première fois à 1% puis aujourd’hui estimée entre 0.6% et 0.9% selon les estimations. Dans ce contexte, la France avait subi une réévaluation à la baisse de sa note par l’agence de notation Standard and Poor’s le 31 mai dernier.
Cette baisse sanctionne le risque supplémentaire que prend chaque prêteur à la France qui est perçue comme moins solvable qu’avant.
Sur un plan européen, la France a une place aussi stratégique que symbolique. En effet, on ne peut oublier l’expression « le couple franco-allemand » qui incarne à la fois le rôle effectif et symbolique français dans la construction actuelle de l’Union Européenne. Aussi, l’on peut imaginer qu’une crise politique en France n’est pas sans perturber la confiance en les marchés financiers européens.
Un tour d’horizon des marchés européens et français à la suite immédiate des élections européennes
Comme remarqué plus haut, les marchés financiers (européens comme français) n’ont pas attendu les résultats définitifs des élections européennes pour réagir négativement. Afin de comprendre cette anticipation des marchés, nous devons nous en remettre à la Finance Comportementale. Le principal postulat de ce cadre d’analyse est de rappeler que derrière les marchés, il y a des agents humains avec des comportements non rationnels par moments. Dans le cas présent, on peut convoquer un effet connu qui est l’effet vendredi où la bourse perd de sa superbe à cause de la fatigue intellectuelle des traders qui ont tendance à ne pas prendre du risque. L’originalité de notre situation est la combinaison de cet effet avec l’anticipation négative d’une montée des extrêmes droites en Europe.
Cette tendance politique est souvent associée comme une mauvaise nouvelle pour les marchés.
Cet effet est d’autant plus notable que le déclin était toujours d’actualité, le lundi. En effet, si le vendredi est un jour connu de dépression en bourse, le lundi est le jour de l’optimisme avec un effet positif sur la bourse. Ce lundi suivant les élections, la chute n’a fait que se poursuivre.
Comment envisager les semaines à venir pour les deux échelles européennes et française ?
Les marchés financiers ne sont pas omniscients mais leurs évolutions sont très indicatrices des inquiétudes des agents qui les composent. A la suite du choc des élections européennes, les marchés montrent des signes d’incertitude en oscillant entre de petites baisses et petites hausses suivant les annonces politiques françaises (les législatives notamment) et européennes avec leurs lots de conséquences. Notant notamment que si les marchés ont démarré la semaine suivant les résultats des européennes sur une baisse, elles ont enregistré une hausse le 12 juin avant d’entamer une descente le lendemain. Ce phénomène témoigne d’un attentisme des marchés qui attendent des signaux purs et fiables. Cette veille a pour but de déduire une tendance fiable à suivre pour déclencher de l’optimisme financier ou au contraire une dépression.
A l’échelle française, l’enjeu des législatives est de réconforter les marchés afin de conserver un avantage d’emprunts et une attractivité économique. Cela aussi se traduit sur une échelle européenne avec une confiance conservée dans l’euro qui a subi un choc à la baisse.